POST SCRIPTUM
Chapitre 1
Mohammed,
Il y a dix jours j’ai aperçu votre rue , Il n’en restait plus rien.
Depuis je cherche ton visage, celui de ton père El Hadj, ta maman, celui de tes frères, de tes sœurs, des enfants, de nos amis.
Me forçant à ouvrir les yeux, en regardant sur internet, à me lever en pleine nuit, je vous cherche. Et quelque part je respire de ne pas vous trouver.
J’entends les cris de douleur et de rage, mais il m’arrive aussi d’apercevoir des sourires, d’apercevoir un enfant marcher sur les mains, danser ou dessiner au dessous des chasseurs israéliens. Là je me dis que tu n’es pas bien loin, peut-être est ce toi qui filme cette scène de vie.
Rennes, 19 octobre 2023
Post Scriptum
Entre le 07 octobre et le 14 octobre 2023, je suis resté accroché nuit et jour à mon écran de téléphone à la recherche des visages de ma famille d'accueil. Effaré, horrifié par la violence des images, je me suis précipité dans mes archives à la recherche des visages familiers. Ceux de ma famille à Jabalhya, mais également les amis, scannant, ressortant les lettres, les traces de tout mes séjours.
Dès la première semaine de la réplique israélienne, j'ai compris qu'un monstre allait être enfanté par ces fous de messianistes grâce à cette attaque barbare du Hamas. Depuis, nous avons basculé. Cette fin du monde tant souhaitée par les extrémistes d'extrême droite israéliens et ces Américains adeptes de QAnon et autres groupuscules de tarés nous fait face. Rien ne bouge, malgré les images, les témoignages, les enquêtes, rien, rien ne bouge.
L'humanité a disparu et nous sommes désormais condamnés à vivre l'histoire de la fin d'un monde.
Cette maquette est retournée dans ses cartons depuis le mois d'octobre 2023, incapable de la sortir, je publie ce "chemin de fer" sur mon site. Que déjà cette trace soit là.
Quelque part dans les Monts d'Arrée, en mai 2025.
Post Scriptum
Archives
Quelque part au Proche Orient
Projet finaliste du Prix Marc Ladreit de Lacharrière de l'Académie des Beaux Arts 2022
Déménager c’est ranger, trier, redécouvrir des cartons qu’on avait oublié de défaire et c’est aussi s’alléger. Les livres eux par contre, passent d’une bibliothèque à une autre, ils me suivent. Leur seule présence souvent me rassure. Mais avant de partir, en les classant c’est aussi l’occasion d’en rouvrir certains.
Ainsi en février, j’ai à nouveau parcouru le catalogue de l’exposition "Les Déchirures de l’histoire" réalisée par Philipe Cyroulnik au 19 CRAC, exposition à laquelle j’avais eu l’honneur de participer avec mes premiers travaux réalisés en Palestine et en Israël.
C’est alors que j’ai déplacé et consulté mes archives de reportages pour la presse internationale et celles des voyages que j’ai poursuivis après cette publication. Les mots de Philipe Cyroulnik à propos de mon travail "Etat de Siège", réalisé avec Mahmoud Darwich et publié chez Actes Sud firent écho à la situation d’aujourd’hui: « Cette écriture de la lumière se nourrit de l’expérience du temps, de l’instant, de la mémoire. Ainsi des scènes de la vie quotidienne aux photos de paysage, toutes les marques d’une occupation, toute sa violence font figure dans le champs du paysage…».
J’ai réuni des carnets de routes, des archives retrouvées, quelques Polaroids réalisés à mes retours, des lettres ainsi que des photographies effectuées en 2005 lorsque j’ai décidé de faire le tour de la bande de Gaza pour essayer, coûte que coûte, d’y entrer par le sud au poste frontière de Rafah, coté égyptien, puis par le nord, en Israël au poste d’Eretz.
Après avoir traversé le désert du Sinaï, pour rejoindre Taba, seul poste frontalier ouvert entre l’Egypte et Israël, une douanière m’a longuement interrogé en me montrant une carte de la région et m’a demandé avec ironie de lui montrer sur une carte du monde où se situe la Palestine. Stupéfait je pris conscience le l’absence de ce pays sur les cartes officielles.
C’est alors que mon propos devint une évidence.
Ces images sont le fruit d'une dizaine de voyages entre 1997 et 2005 en Cisjordanie, Gaza, Jordanie et Egypte. Elles prolongent la première partie, Etat de Siège, publié chez Actes Sud avec le poète palestinien Mahmoud Darwich en 2004. Je tiens ici à remercier chaleureusement les personnes qui ont cru, soutenu et motivé mon travail: Solange Brand, Claudine Maugendre, Magali Jauffret, Armelle Canitrot, Alain Julien, Alain Mingan, Elias Sanbar, ainsi que Leica Camera et Fujifilm pour leurs soutiens matériels.