Etat de siège - Actes Sud


Cette photographie-là n’arrive pas par hasard dans ce livre-là. Sans doute la texture de ce poème, de nature visuelle, s’apparente-t-elle particulièrement bien à ce témoignage photographique pris sur le vif. 

Il se trouve que l’essence de cette photographie-là, en prime, est poétique. Peut-être parce que démarquée de l’imagerie stéréotypée qui fait invariablement de la Palestine un théâtre d’affrontement avec photos coups de poing ou un lieu des écritures avec images bibliques, elle choisit de privilégier les temps faibles, de s’attarder, dans ce qui peut sembler hors champ. En réalité, c’est la vie, plus forte que tout, qui est là radicalement cadrée. Au coucher du soleil, l’atmosphère est pesante, le paysage dévasté, mais on continue d’allumer du feu dans les pierres pour préparer le thé.


Magali Jauffret

La vie.

La vie, toute la vie

Avec ses carences,

Accueille des étoiles voisines,

Sorties du temps,

Et des nuages migrants,

Sortis du lieu.

Et la vie ici

Se demande

Comment leur redonner vie.

Chaque fois qu'hier s'est présenté, je lui ai dit:

Nous n'avons pas rendez-vous aujourd'hui, va-t'en

Et reviens demain!


Un humoriste m'a dit:

Si dès le début j'avais sur la fin,

Je n'aurais rien eu à dire.

Cette rime n'était

Nécessaire ni pour la maîtrise de la cadence

Ni pour l'économie de la douleur.

Elle est superflue

Ainsi que les mouches sur une table.


Le brouillard est obscurité,

Obscurité épaisse et blanche

Que pèlent l'orange et la femme qui promet.

La paix, excuse du fort

Au plus faible en armes, plus fort en horizons.


La paix, défaite des glaives devant la beauté

Naturelle, là où la rosée ébréché le fer.

Etat de siège

Mahmoud Darwich

Olivier Thebaud

En janvier 2002, reclus à Ramallah, Mahmoud Darwich a écrit ce poème, composé d’une centaine de fragments, en réaction à l’offensive de l’armée israélienne dans le territoire palestinien autonome.

Poème immédiat, où chaque fragment capte un moment, une scène, une pensée fugitive, il ne marque pas moins le début d’une nouvelle étape dans l’itinéraire du poète.

Les images de Palestine d’Olivier Thébaud sont le fruit de six voyages en Cisjordanie et à Gaza durant les trois dernières années. Elles n’illustrent pas le poème, mais le prolongent d’un douloureux témoignage sur le paysage dévasté où il est né.


[Actes Sud] Littérature

Mars, 2004